jeudi 14 juin 2012

La Red Special


La guitare de Brian May, surnommé Red Special pour sa couleur fauve, est l’un des éléments identitaires de Queen. Le guitariste et sa guitare sont des partenaires indissociables. Nous connaissons l’attachement qu’a un violoniste avec son violon, Brian May connait la même relation intimiste avec sa guitare. Tout au long de sa carrière, dès ses premiers groupes de rock, avec Queen puis en solo, Brian May joue sur son instrument. Il l’a conçu, imaginé, amélioré, adopté, dompté et martyrisé pendant plus de quarante ans. Aujourd’hui la Red Special est une marque de fabrique, le son de Queen.
            Enfant, Brian May montre un désir farouche à vouloir jouer de la guitare alors qu’on l’oblige à apprendre le piano. Néanmoins son père, Harold, lui donne un petit ukulélé sur lesquels le petit Brian May fait ses armes dès l’âge précoce de cinq ans. En 1954, âgé de sept ans, Brian se voit offrir par son père, sa première véritable guitare acoustique. Rapidement il cherche à modifier les qualités de sa guitare. Son gout pour le bricolage est nourri par la volonté paternelle. Quelques menus transformations firent passer la simple guitare acoustique à une première guitare électrique maison. Afin de pouvoir suivre ses idoles à la guitare quand il les écoutait dans sa chambre, il branchait sa guitare bricolée sur le poste de radio familiale qui faisait ainsi office d’amplificateur. Petit à petit ses capacités se développèrent et la vieille guitare modifiée ne suffisait plus. En secret il rêvait d’une Stratocaster ou d’une Gibson, il jalousait son camarade de classe John Garham, propriétaire d’une Colorama. Or il n’avait pas l’argent pour s’acheter ce genre de bijoux. Il dû faire preuve d’imagination. Il en avait les ressources.
            Encouragé et aidé par son père, Brian May commence à fabriquer sa propre guitare dans l’atelier familial avec les moyens du bord durant le mois d’août 1963. Tout d’abord, pour le manche de l’instrument, tel un luthier, il sélectionna des planches de bois de chêne provenant d’un linteau de cheminée du XVIIIème siècle qu’un ami de la famille jetait. Malgré l’âge ancestrale du bois, Brian May façonna le manche jusqu’à obtenir la forme parfaite, s’adaptant notamment à sa grande taille. Il dut si reprendre à deux fois avant de réaliser le manche voulu. Il n’avait pas les outils adaptés vu qu’ils étaient souvent faits maison. Les 24 frettes sont délimitées par de petites tiges en métal sciées à la bonne dimension, les touches sont faites de boutons de nacre trouvés dans la boite à couture de sa mère. Ils sont insérés à la main. Pour le corps de la guitare plusieurs essences de bois sont utilisées. La partie centrale est en chêne. Elle est fixée des deux cotés à de plus petites pièces de bois. L’ensemble est recouvert d’une fine feuille d’acajou afin de lui donner l’aspect d’une guitare fait d’un seul tenant. Pour l’esthétique un trait blanc est tracé sur le flanc de l’instrument.
            Désormais la forme de la Red Special est donnée. Il faut maintenant lui créer une âme. Initialement et par souci d’économie, le luthier amateur fabriqua trois microphones maison avec du fil de fer bobiné autour d’aimants. Malheureusement le résultat n’est pas satisfaisant. Finalement Brian May se décide d’acheter trois microphones Burn tri sonic qu’ils rebobinent à l’envers afin d’inverser la polarité et il les enduit de résine époxy afin de mieux isoler les sons et de contenir le bruit de fond. Il fabrique entièrement le chevalet. Le vibrato est une pièce complexe que Brian May va particulièrement soigner dans le but de faciliter l’accordage des cordes. Le bloc d’attache des cordes pivote sur une lame de couteau en acier trempé. La tension des cordes est contrebalancée par un support en ressort trouvé sur une soupape de motocyclette. Pour facilité le coulissement des cordes lorsqu’on utilise le bras du vibrato, les ponts du chevalet sont équipés de roulement. Le musicien peut régler la tension des cordes grâce à deux vis glissées dans les ressorts. Le bras du vibrato est une tige métallique récupérée sur une armature d’une sacoche que l’on place sur un porte-bagage de vélo sur laquelle Brian May a glissé un embout d’aiguille à tricoter. Au bout du manche, les cordes passe sur une frette zéro (qui se positionne avant la première d’où son surnom) et dans un sillet en bakélite. La courte distance entre le sillet et les chevilles limite encore davantage les frictions.
            Brian May récupéra le système de distorsion sur une boite Vox qu’il intégra et adapta à sa guitare. Or les possibilités se limitaient alors il préféra le retirer (le trou laissé par le bouton de réglage sera d’abord caché par un adhésif et par là suite une étoile) et le remplacer par une pédale treble-booster couplée à un amplificateur VOX AC30 (mythique ampli guitare à lampe). Cette configuration sonore va donner une identité très anglaise (le Vox) et particulièrement originale. La lourdeur du son est caractéristique de la musique de Queen, surtout des débuts. Néanmoins Brian May saura moduler son instrument dans ton très fluide.
            Pendant plusieurs années encore il ajustera sa guitare, la Red Special. Après avoir testé plusieurs médiators il ne se trouvait pas à l’aise et n’obtenait pas le son voulu. Finalement il essaya de jouer avec des pièces de monnaie. Après une longue sélection, la pièce de six pence fut choisie définitivement. Désormais il avait tous le matériel et le loisir d’affiner son jeu.